Deal pour l'emploi : modifications concernant l'économie de plateforme ?
Ces dernières années, l’économie de plateforme a vraiment pris son envol. Pensez notamment aux initiatives telles qu’Uber et Deliveroo.
Face au nombre croissant de litiges concernant la relation de travail des travailleurs de plateformes, le gouvernement a décidé que des adaptations devaient être apportées à la loi sur la nature des relations de travail.
Le projet de législation prévoit en outre l’obligation de conclure une assurance accidents de travail pour tous les collaborateurs qui fournissent des services pour une plateforme numérique.
Nature de la relation de travail : salarié ou indépendant ?
Définition des concepts
Pour mieux délimiter le contenu des différents concepts dans le cadre de l’économie de plateforme, plusieurs nouvelles définitions sont prévues.
Une « plateforme numérique donneuse d’ordre » est un fournisseur d’un service payant qui, via un algorithme ou toute autre méthode ou technologie équivalente, est susceptible d’exercer un pouvoir de décision ou de contrôle quant à la manière dont les prestations doivent être réalisées et quant aux conditions de travail ou de rémunération et qui fournit un service rétribué qui satisfait aux exigences suivantes :
- Fourniture, au moins en partie, à distance par des moyens électroniques, tels qu’un site web ou une application mobile ;
- Fourniture à la demande d’un destinataire du service.
Les fournisseurs d’un service dont l’objectif principal est d’exploiter ou de partager des actifs ou de revendre des biens ou des services, et ceux qui fournissent un service à caractère non lucratif ne relèvent pas du champ d’application de cette mesure.
Par « travailleur de plateforme », il faut entendre tout individu effectuant un travail via une plateforme numérique donneuse d’ordres, quelle que soit la nature de la relation contractuelle ou sa qualification par les parties concernées.
L’« exploitant de plateforme » est quant à lui la personne physique ou morale qui, elle-même ou par personne interposée, exploite la plateforme numérique donneuse d'ordres.
Principe
Pour déterminer la nature de la relation de travail du travailleur de plateforme, 8 nouveaux critères seront insérés dans la loi-programme du 27 décembre 2006 afin d’apprécier si l'intéressé est soit un travailleur salarié soit un indépendant.
Une présomption réfragable de travail salarié s’appliquera si au moins 3 des 8 critères ou 2 des 5 derniers critères ci-dessous sont remplis.
L’exploitant de la plateforme peut :
- exiger une exclusivité par rapport à son domaine d’activités ;
- utiliser la géolocalisation, à des fins autres, que le bon fonctionnement de ses services de base ;
- restreindre la liberté du travailleur de plateforme dans la manière d’exécuter le travail ;
- limiter les niveaux de revenu d’un travailleur de plateforme, en particulier, en payant des taux horaires et/ou en limitant le droit d’un individu de refuser des propositions de travail sur la base du tarif proposé et/ou en ne lui permettant pas de fixer le prix de la prestation. Les conventions collectives de travail sont exclues de cette clause ;
- à l’exclusion des dispositions légales, notamment en matière de santé et de sécurité, applicables aux utilisateurs, clients ou travailleurs, exiger qu’un travailleur de plateforme respecte des règles contraignantes en ce qui concerne la présentation, le comportement à l’égard du destinataire du service ou l’exécution du travail ;
- déterminer l’attribution de la priorité des futures offres de travail et/ou le montant offert pour une tâche et/ou la détermination des classements en utilisant des informations recueillies et en contrôlant l’exécution de la prestation, à l’exclusion du résultat de cette prestation, des travailleurs de plateformes à l’aide notamment de moyens électroniques ;
- restreindre, y compris par des sanctions, la liberté d’organiser le travail, notamment la liberté de choisir les horaires de travail ou les périodes d’absence, d’accepter ou de refuser des tâches ou de recourir à des sous-traitants ou à des remplaçants, sauf, dans ce dernier cas, lorsque la loi restreint expressément la possibilité de recourir à des sous-traitants ;
- restreindre la possibilité pour le travailleur de plateforme de se constituer une clientèle ou d’effectuer des travaux pour un tiers en dehors de la plateforme.
La présomption de travail salarié peut être renversée par toutes voies de droit, notamment sur base des critères généraux de la loi sur la nature de relation de travail. Pensez notamment à la volonté des parties d’opter pour une collaboration indépendante tel que précisé dans le contrat qui les lie ou à la liberté dans l’organisation du temps de travail.
Pour la qualification de la relation de travail, c’est toujours l’exécution effective qui prime sur la qualification donnée par les parties dans leur contrat.
Pour apprécier la nature de la relation de travail, il sera tenu compte des caractéristiques particulières de la gestion algorithmique et des autres moyens technologiques.
Entrée en vigueur
Le projet de loi ci-dessus devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2023.
La législation devrait faire l’objet d’une évaluation un an après son entrée en vigueur. Une évaluation définitive est prévue 2 ans après l'entrée en vigueur.
Rôle de la Commission administrative de règlement de la Relation de travail
La Commission administrative de règlement de la Relation de travail rendra des avis ou des décisions concernant le travail de plateforme.
Conclusion d’une assurance accidents obligatoire pour les travailleurs de plateformes indépendants
Principe
Les exploitants de plateformes seront tenus de conclure une assurance de droit commun pour leurs prestataires de services indépendants. Celle-ci couvrira :
- les dommages corporels causés par des accidents survenus au cours de l’exécution des activités contre indemnisation dans le cadre de la plateforme numérique ;
- les accidents survenus sur le chemin depuis et vers ces activités.
Les conditions de garantie minimales de cette assurance doivent encore être fixées par arrêté royal. Elles doivent être au moins analogues à la protection prévue par la loi du 10 avril 1971 sur les accidents de travail.
Si un exploitant de plateforme ne conclut pas de contrat d’assurance, il sera tenu pour civilement responsable des dommages survenus aux travailleurs de plateformes indépendants.
Une sanction de niveau 2 du Code de droit économique sera en outre prévue.
Un arrêté royal pourrait par ailleurs encore prévoir une extension de la couverture du contrat d’assurance à l’assurance juridique pour les risques mentionnés ci-dessus.
Entrée en vigueur
Cette obligation entrera en vigueur à une date qui doit encore être fixée par arrêté royal.
Attention : les nouveautés ci-dessus n’ont pas encore été publiées et sont donc encore susceptibles de modifications.
Source(s) :
- Projet de loi du 7 juillet 2022 portant des dispositions diverses relatives au travail (DOC 55 2810/001).
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